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« Abschied », extrait de Das Lied von der Erde
MahlerDas Lied a pris forme dans un contexte tout particulier. Entre 1908-1909, Mahler a composé cette œuvre magistrale, un « lied-symphonie » dans tous les sens du terme, sauf par dénomination. Au cours de cette période, il était obsédé par des pensées au sujet de la mort, de la souffrance et de la possibilité de la vie après la mort. L’année précédente, Mahler avait perdu sa fille aînée à la diphtérie et, de plus, on lui avait également diagnostiqué une maladie cardiaque.

Entre temps, Mahler a découvert une anthologie de poèmes chinois traduits en allemand par Hans Bethge et intitulés Die chinesische Flöte (La flûte chinoise). De ce volume de quatre-vingts poèmes, Mahler a choisi ceux écrits par Li Bai, le plus célèbre de tous les poètes chinois, comme textes pour le premier, troisième, quatrième et cinquième lieder. Il a aussi choisi un poème de Qian Qi pour le deuxième lied. Le disque  Song Cycles comprend aussi  Abschied (Adieu), la dernière pièce de Das Lied. Pour cette pièce, le compositeur a combiné la poésie de Meng Hao-ran et de Wang-Wei, puis il a réarrangé et réécrit la section finale en ajoutant ses propres mots.

D’une durée de près de trente cinq minutes, ce dernier lied est aussi long que les cinq autres réunis et constitue le cœur de cette œuvre. Il comporte deux sections séparées par un interlude orchestral. L’orchestration dépouillée aide à créer l’atmosphère lourde et sombre de la pièce. On y parle de pénombre, d’un sentiment de lassitude croissant, du sommeil et du désir de dire adieu pour une dernière fois à un ami; il s’agit sans doute d’une allégorie de la mort imminente du protagoniste. À la dernière section de la chanson, après un long interlude orchestral rappelant une marche funèbre, les mots « Ich werde niemals in die Ferne schweifen » sont prononcés, et une mélodie splendide émerge, transformée par le matériau thématique entendu auparavant dans la pièce. Les dernières lignes du texte, qui constituent les paroles de Mahler lui-même et qui durent environ trois minutes, traduisent un sentiment de résignation, de résolution, d’acceptation sereine de son destin. Pour moi, il s’agit de l’un des passages les plus personnels et les plus remarquables de l’œuvre de Mahler, voire de tout le répertoire du lied. Ceux qui ont eu le privilège de voir Maureen Forrester en personne interpréter Das Lied, avec ses dernières paroles « ewig, ewig », en conservent un souvenir qui ne s’effacera jamais.

Joseph K. So

Gustav Mahler

 Der Abschied
 Die Sonne scheidet hinter dem Gebirge.
 In alle Täler steigt der Abend nieder
 Mit seinen Schatten, die voll Kühlung sind.
 O sieh! Wie eine Silberbarke schwebt
 Der Mond am blauen Himmelssee herauf.
 Ich spüre eines feinen Windes Wehn
 Hinter den dunklen Fichten!
 
 Der Bach singt voller Wohllaut durch das Dunkel.
 Die Blumen blassen im Dämmerschein.
 Die Erde atmet voll von Ruh und Schlaf,
 Alle Sehnsucht will nun träumen.
 Die müden Menschen gehn heimwärts,
 Um im Schlaf vergeßnes Glück
 Und Jugend neu zu lernen!
 Die Vögel hocken still in ihren Zweigen.
 Die Welt schläft ein!
 
 Es wehet kühl im Schatten meiner Fichten.
 Ich stehe hier und harre meines Freundes;
 Ich harre sein zum letzten Lebewohl.
 Ich sehne mich, o Freund, an deiner Seite
 Die Schönheit dieses Abends zu genießen.
 Wo bleibst du? Du läßt mich lang allein!
 Ich wandle auf und nieder mit meiner Laute
 Auf Wegen, die vom weichen Grase schwellen.
 O Schönheit! O ewigen Liebens - Lebenstrunkne Welt!
 
 Er stieg vom Pferd und reichte ihm den Trunk
 Des Abschieds dar. Er fragte ihn, wohin
 Er führe und auch warum es müßte sein.
 Er sprach, seine Stimme war umflort: Du, mein Freund,
 Mir war auf dieser Welt das Glück nicht hold!
 Wohin ich geh? Ich geh, ich wandre in die Berge.
 Ich suche Ruhe für mein einsam Herz.
 Ich wandle nach der Heimat, meiner Stätte.
 Ich werde niemals in die Ferne schweifen.
 Still ist mein Herz und harret seiner Stunde!
 
 Die liebe Erde allüberall
 Blüht auf im Lenz und grünt
 Aufs neu! Allüberall und ewig
 Blauen licht die Fernen!
 Ewig... ewig